L’église de la Madeleine

Du temple colossal qui toise la place de la Concorde subsiste le souvenir d’un goût ostentatoire du Paris aristocratique du XIXe siècle. Voulue par Louis XV, mais édifiée par Napoléon Ier, la Madeleine est surtout un musée à ciel ouvert des arts sous la Révolution et la monarchie de Juillet.

Ce nouveau quartier de l’ouest de Paris, avec ses nombreux hôtels particuliers – Mme de Pompadour habite dans son palais d’Évreux depuis 1753, et ce dernier deviendra palais de l’Élysée à la fin du siècle- est en pleine expansion sous Louis XV. Si, jusqu’alors, le village de La Ville-l’Évêque jouxtait Paris, il est intégré à la capitale en 1722, dans le cadre de l’extension territoriale de Paris vers l’ouest.

Cet agrandissement fait partie d’un vaste projet :  Henri IV crée la place Dauphine, Louis XIII, celle des Vosges ; Louis XIV aura la sienne, en 1772, grâce à Jacques Ange Gabriel : la place de la Concorde est la plus grande de Paris. Au centre, la statue équestre du roi sera abattue à la Révolution, en 1792. La guillotine y est installée, celle-là même qui tranchera la tête de Louis XVI le 21 janvier 1793 et celle de Marie-Antoinette le 16 octobre de la même année.

 Plusieurs vies pour une église

Pour parfaire complètement l’ensemble de la place de la Concorde, dont la perspective s’étend des Tuileries aux Champs-Élysées, Pierre Constant d’Ivry dresse les plans d’une église en forme de croix latine pourvue d’une façade avec portique, prévue dans le prolongement de la statue. Louis XV pose la première pierre de la Madeleine en avril 1763. À la mort de l’architecte du duc d’Orléans, son successeur, Guillaume Couture, modifie les plans en préférant la croix grecque, mais, lorsque la Révolution éclate, tout est arrêté. Seul un squelette inachevé entouré d’une multitude de colonnades émerge de terre.

En pleine hésitation révolutionnaire, on se pose beaucoup de questions quant au devenir de la Madeleine : on propose d’y créer une banque, un opéra, ou bien encore la Bibliothèque nationale… jusqu’à ce que Napoléon Ier décide, en 1806, de l’édification d’un temple à la gloire de la Grande Armée. Contre l’avis de l’Académie impériale, Napoléon choisit le projet de Pierre Alexandre Vignon, qui « seul a compris ses intentions et s’est dégagé de toute inspiration religieuse ».

Pour réaliser ce temple périptère antique et grandiose, l’architecte a conservé les colonnes corinthiennes de Contant d’Ivry pour créer une ceinture de cinquante-deux piliers atteignant 20 mètres de hauteur autour de l’édifice. Les travaux avancent vite, mais, vers 1813, les dépenses financières dues aux campagnes militaires les retardent. Napoléon se demande alors s’il ne devrait pas plutôt rendre ce temple à sa destination première, une église.

De fait, la Révolution lui redonnera sa vocation initiale et son nom de Sainte-Marie-Madeleine. À la mort de Vignon, Jean-Jacques Huvé accélère les travaux ; l’église est enfin consacrée en 1842, sous Louis-Philippe.

Un exemple d’architecture néoclassique

Marquée par la volonté désespérée de Napoléon de retrouver la grandeur antique, l’église de la Madeleine a des mensurations exceptionnelles : 108 mètres de longueur, 43 mètres de largeur et 30 mètres de hauteur. De chaque côté du portique, sont placées, dans des niches, trente-quatre statues de saint commandées à quelques trente sculpteurs différents. Sur la façade méridionale se détache le fronton du sculpteur Henri Lemaire, achevé en 1833 et représentant le jugement dernier.

La dédicace latine « D.O.M. SVB.INVOCATS.MAR.MAGDALENÆ » – « Au dieu tout-puissant et très grand, sous l’invocation de sainte Marie-Madeleine »- et le haut-relief coiffent le péristyle en haut des marches du parvis. Là, sous la corniche à denticules, les deux portes en fonte sont l’œuvre d’Henri de Triqueti, qu’il installera en 1841. Le Tout-Paris aristocratique est là pour assister à cette édification : enthousiaste, il a suivi les opérations depuis les ateliers des fondeurs jusqu’à l’inauguration.

À l’extérieur comme à l’intérieur, la Madeleine est parsemée d’œuvres remarquables exécutées par les plus grands artistes du XIXe siècle, qui célèbrent le génie d’un christianisme triomphant et nationaliste. L’or et le marbre, la multitude des peintures et de sculptures, chantent la renaissance après les persécutions de la Révolution. C’est le message de la fresque du chœur en cul-de-four de Jules Claude Ziegler à la gloire du christianisme, révélée au public, là aussi unanime, en 1838.